Présentation des travaux de Grégoire Ingold

Le jeudi 28 novembre, Grégoire Ingold, metteur en scène, viendra nous parler de sa mise en scène de La République de Platon (dans la traduction d’Alain Badiou), présentée au planétarium du Théâtre des Amandiers de Nanterre du 15 novembres au 8 décembre 2013. La séance du LAPS aura lieu de 15h à 17h30 à la Maison de la recherche en salle D 117.

Le parcours de Grégoire Ingold

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Élève d’Antoine Vitez au Théâtre national de Chaillot, fondateur en 1982 du Théâtre du quai de la gare destiné à des jeunes metteurs en scène, Grégoire Ingold entreprend dès 1988, après la fermeture de ce lieu, des voyages d’études sur les formes de théâtre populaire, rencontrant des troupes francophones d’Afrique de l’Ouest. Rencontres qui débouchent en 1991 sur la création d’un festival à Kinshasa au Congo. En 1997, la compagnie Balagan Système est fondée : « Balagan » est un nom programmatique car il signifie en yiddish le chaos, le multiple, le désordre. C’est aussi le nom des baraques où l’on donnait des spectacles dans les champs de foire en Russie.

Grégoire Ingold a déjà mis en scène Platon en 1999 avec Qu’est-ce que c’est que la justice ? (à partir du Livre I de La République), monté au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, spectacle qui s’inscrivait dans le projet militant de décentralisation artistique de Stanislas Nordey, joué en plein air pendant deux printemps-été consécutifs avec pour but de s’adresser aux habitants de Saint-Denis et de les toucher par la seule force du texte. Grégoire Ingold a aussi mise en scène le Gorgias en 2001, représenté à la Comédie de Reims, à Delphes et au Théâtre de la Cité Internationale, dans un format de 3h avec entracte.

Porter Platon au plateau

Le spectacle donné au Théâtre des Amandiers de Nanterre opère un retour sur le premier spectacle Qu’est-ce que c’est que la justice ?, mais cette fois-ci dans une traduction nouvelle d’Alain Badiou. Seul un comédien, Bounsy Luang Phinith, a participé à la première aventure de 1999. Le texte que propose Badiou est toujours sur le fil : entre une exactitude, une fidélité à la construction platonicienne et une grande liberté d’écriture.  Quelles ont été les motivations du metteur en scène Grégoire Ingold ? « Mon maître était Antoine Vitez et il m’a transmis cet intérêt pour la pensée, la clarté du texte », mais aussi le « désir de faire du théâtre pour le public, tourné vers les gens et non pas produire un théâtre de l’entre soi » explique-t-il dans un entretien radiophonique de 2013.

Pour le metteur en scène, La République est d’abord une question de théâtre, une question d’interprétation, car dans un dialogue de Platon, les acteurs ne jouent pas du point de vue des personnages, ne racontent pas qu’ils sont Socrate ou Thrasymaque. Une approche psychologique n’aurait aucun sens car le personnage est inexistant. La seule chose qui existe dans ce texte, qui d’ailleurs n’est pas un texte de théâtre mais un dialogue, un exercice de philosophie, c’est un réseau de positions qui sont en opposition, en dispute, en conflit. A partir de là, les conditions pour qu’il y ait du jeu sont présentes : deux personnages ne sont pas d’accord. Il ne s’agit pas de faire une leçon de philosophie, qui assècherait la représentation, mais bien un moment de plaisir, de partage avec un public qui va être amené à adhérer au spectacle.

La qualité dramatique du dialogue platonicien éclate dans les dialogues où Platon oppose Socrate à des adversaires consistants. Dans La République, c’est Thrasymaque qui est un adversaire féroce, comme Calliclès dans le Gorgias. L’enjeu, dans une mise en scène d’un dialogue platonicien, est alors de faire sentir quand la parole dépasse le niveau de la conversation intelligente pour atteindre cette densité supérieure de la parole qui devient action. Si elle est active, elle est capable d’engendrer une transformation. Le dialogue platonicien donne les conditions idéales pour réaliser cette expérience : l’émergence d’une force active d’un verbe.

Le cœur du dispositif est le dialogue comme dispositif d’exercice de la pensée. Le dialogue est une machine à vapeur, à explosion, le lieu d’une mise en tension de deux positions adverses qui dans une opposition adverse, rentre en réaction l’une contre l’autre. G. Ingold a choisi une autre disposition que l’opposition scène/salle qui induit de façon implicite le spectateur à regarder le personnage devant lui. Pour contourner cet écueil, il s’agit de réunir une assemblée de public parmi laquelle les comédiens sont actifs. Au milieu de cette assemblée, le public est mis en situation d’être témoin, participant comme si on était à une table et qu’une discussion se noue entre deux ou trois personnes. A partir de là, le spectacle peut se jouer hors du théâtre, dans des lieux d’assemblée en plein air.

« Au-delà de la traduction de Badiou, je suis intéressé de porter ce répertoire de dialogue philosophique à la scène » explique G. Ingold, mais aussi d’explorer ce mariage problématique entre la philosophie qui cherche son public dans une collaboration avec les comédiens (pourquoi un philosophe a-t-il besoin de confier sa parole à d’autres que lui, afin de la mettre en partage avec un public ?) et le théâtre qui désire s’élever vers une abstraction de l’histoire, de la forme…

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Des rencontres avec Grégoire Ingold et son équipe sont prévues dans les semaines qui viennent :

  • S. 23/11 à 11h : Petit déjeuner lecture dirigée. Mastaba 1 à La Garenne-Colombes.
  • S.  23/11 à 16h30 : Platon, l’autre république du théâtre, avec Alain Badiou. ENS Ulm.
  • V. 29/11 de 15 à 17h : rencontre universitaire Alain Badiou et G Ingold, Université Paris Ouest.
  • S. 30/11 à 17h30 : table-ronde avec Marie-Josée Sirach, Université Paris Ouest.
  • S 7 et D. 8/12 : ateliers dirigés par G. Ingold. Plus d’infos.

Renseignements :

La République de Platon, « Conversation dans une villa du port. Réduire le sophiste au silence. Questions pressantes des jeunes gens et jeunes filles. » Avec Agnès Adam, Yves Beaugetn, Vincent Farasse, Bounsy Luang Phinith, Redjep Mitrovitsa. Scénographie Grégoire Ingold.

Le site de la compagnie Balagan Système.

 


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Cet article a été publié dans Philosophies du théâtre (2013-2014) avec les mots clés , , , , par Flore Garcin-Marrou.

Pour citer cet article : Flore Garcin-Marrou, "Présentation des travaux de Grégoire Ingold", Labo LAPS 2013. URL : https://labo-laps.com/presentation-travaux-gregoire-ingold/

A propos Flore Garcin-Marrou

Flore Garcin-Marrou est docteur en littérature française (Université Paris 4 – Sorbonne). Elle a enseigné les Études théâtrales à la Faculté libre des Sciences humaines de Lille et à l’Université Toulouse Le Mirail. Sa thèse s’intitule "Gilles Deleuze, Félix Guattari : entre théâtre et philosophie". Elle est l’auteur d’articles sur le théâtre au carrefour des sciences humaines. Elle est également metteur en scène de sa compagnie "La Spirale ascensionnelle" et poursuit un travail d’expérimentation théâtrale au sein du Laboratoire des Arts et Philosophies de la Scène (LAPS).