En 1990, Alain Badiou composait Rhapsodie pour le théâtre [1] à partir de textes publiés sous la responsabilité d’Antoine Vitez et Georges Banu, entre 1985 et 1989, dans la revue L’Art du théâtre. Pour l’heure toute personne qu’intéresse une approche philosophique du théâtre ne peut que le regretter mais ce texte est épuisé. Plus de vingt ans après Rhapsodie, Alain Badiou publie Éloge du théâtre [2], un livre issu de l’entretien qu’il a donné en 2012 à Nicolas Truong lors des séances publiques du « Théâtre des Idées » au Festival d’Avignon. Le Festival d’Avignon aujourd’hui, d’un côté, Le TNP, Chaillot, les années 80, de l’autre, le journaliste du Monde, metteur en scène du Projet Luciole, d’un côté, de l’autre, l’incontournable metteur en scène Vitez et le non moins incontournable historien du théâtre Banu, et enfin l’entretien, la parole vive d’un côté, l’écriture de l’autre, une écriture pertinente et raffinée, placée sous le signe d’un Mallarmé dont elle sait retrouver la profondeur, la puissance et les tonalités envoûtantes. Certes le décor et les interlocuteurs ne sont plus les mêmes mais les thèses de Badiou sur le théâtre n’ont pas changé fondamentalement. Le philosophe précise dans Éloge les idées sur le théâtre dont il avait dispersé en rhapsode les fragments étincelants. Badiou est un penseur que ne rebute pas l’actualité et les fulgurances de Rhapsodie se réactualisent dans le style de la discussion publique. La fidélité de Badiou, à ses propres idées d’abord, à Vitez et à Vilar, à une certaine idée du théâtre populaire, n’empêche pas la confrontation à l’actualité, bien au contraire, elle la suscite et l’assume. Et l’intérêt majeur d’Éloge du théâtre pourrait bien résider dans cette actualisation.
Outre Vitez et Christian Schiaretti qui ont monté ses pièces (L’écharpe rouge, la série des Ahmed) ou Molière, Aristophane, Tchekhov, Shakespeare, Strindberg, Corneille, Beckett, Claudel, Brecht, Pirandello, qui constituent quelques unes de ses références « classiques », Badiou cite aussi des artistes comme Bernard-Marie Koltès (Dans la solitude des champs de coton), Marie-José Malis (On ne sait comment de Pirandello), Jan Fabre (Tannhaüser de Wagner), Thomas Ostermeier (Un ennemi du peuple d’Ibsen), Oskaras Korsunovas (Le maître et Marguerite de Boulgakov) ou Mathilde Monnier. Un point commun avec Rhapsodie est que la pensée du théâtre s’exerce non abstraitement mais en prise directe avec une production théâtrale réelle. Ancrée dans son expérience de spectateur et d’homme de théâtre, sa réflexion est mise à l’épreuve des « circonstances ».
Badiou définit le théâtre par la présentation d’une idée transcendante dans l’immanence de la scène. Pour comprendre ce qu’est le théâtre, il faut donc comprendre à la fois ce qu’est l’immanence des corps et ce qu’est la transcendance de l’idée, sachant que le théâtre ne doit se laisser « absorber » ni dans l’immanence ni dans la transcendance. Badiou doit distinguer le théâtre de ce qu’il n’est pas pour en définir la spécificité. Le philosophe récuse la distinction entre « théâtre de texte » et « théâtre de corps » pour lui préférer un entre-deux, entre « immanence du corps » et « transcendance de l’image ».
Le théâtre se situe entre la danse et le cinéma dont il se distingue.
« Il est intéressant de poser que la danse est l’immanence du corps, c’est-à-dire un corps qui se présente de l’intérieur de son propre mouvement, et que l’image est au contraire une sorte de transcendance lumineuse, une extériorité, qui exerce son pouvoir sur le corps. » (p. 53)
La spécificité de la danse, telle que la conçoit Badiou, consiste à montrer les puissances du corps, c’est-à-dire ce dont un corps est capable. La danse « cherche à montrer, en immanence au mouvement, ce dont le corps est capable en tant qu’être, en tant qu’il se déploie devant nous dans son être ». (p. 54) Badiou prend pour exemple les variations sur la capacité élémentaire du corps humain de marcher dans une chorégraphie (vraisemblablement Déroutes) de Mathilde Monnier. Or l’enjeu propre au théâtre n’est pas exactement celui de la danse, le problème du théâtre n’est pas d’explorer les capacités des corps. Le théâtre « propose une orientation subjective, dont le corps n’est qu’un des termes » (p. 55). L’immanence des mouvements corporels ne suffit pas à déterminer intégralement l’orientation subjective qui constitue l’enjeu fondamental du théâtre.
Après avoir ainsi caractérisé la capacité ontologique du corps comme l’élément de la danse, Badiou distingue l’image de cinéma et la scène.
« L’image est ce qui se propose à la vue et qui est expérimenté par le spectateur éventuel comme une imposition venue du dehors. Une caractéristique du cinéma est qu’il n’a besoin de personne : une fois que le film est fait, il devient totalement indifférent – excepté financièrement… – à l’existence d’un public. » (p. 55)
L’image est transcendante parce qu’elle « peut se répéter, identique à elle-même, sans le recours à un sujet ». Contrairement au cinéma, l’événement théâtral a besoin de quelqu’un, il ne s’opère pas dans une indifférence à la présence d’un sujet, il se caractérise au contraire par une non-indifférence à la présence d’un public. La transcendance cinématographique tient au fait que l’image, une fois qu’elle a été produite, se soutient d’elle-même alors que l’événement théâtral nécessite la co-présence d’un acteur et d’un public. Sur ce point, Denis Guénoun et Alain Badiou convergent. Le théâtre consiste en une présence scénique en présence d’un rassemblement. Badiou n’en conclut pas comme Guénoun à une détermination politique du théâtre. Si le rassemblement d’un public est la condition nécessaire pour que du théâtre ait lieu, c’est, pour Badiou, parce que le théâtre a pour visée une transformation subjective. Le public constitue cette présence subjective destinée à être transformée.
De même que l’immanence du corps, le recours à l’image sur des scènes de théâtre n’a rien de blâmable bien entendu mais ni cette transcendance de l’image ni cette immanence du corps ne constituent à elles-seules la finalité propre du théâtre. Il ne s’agit donc nullement d’expurger les représentations théâtrales de tout recours aux images en les dénonçant comme impures. Le théâtre est toujours hybride, impur, entre-deux. Badiou ne sépare pas l’image de la scène pour discriminer tel spectacle qui aurait recours à l’image de tel autre qui s’en priverait. Son objet est de dire ce qui appartient en propre au théâtre, ce qui le définit intrinsèquement. Il est frappant à cet égard qu’il choisisse des exemples qui semblent contredire sa caractérisation du théâtre : présence de la danse et de la musique dans les tragédies grecques, chez Molière, puissance de l’image dans les mises en scène de Korsunovas ou d’Ostermeier. Bien qu’il commente les spectacles contemporains, et quand bien même il peut en critiquer parfois les orientations, Badiou refuse de se poser en censeur. Les exemples qu’il mentionne font souvent figure de contre-exemples, ils peuvent aller à l’encontre de ses propres thèses. Badiou accueille alors avec bienveillance cette contradiction empirique.
Il nous met cependant en garde contre une dissolution possible du théâtre dans les potentialités propres de l’image ou du corps. C’est à cet endroit précis de son argumentation qu’intervient l’affirmation de l’importance du texte. Le rôle du texte est précisément de maintenir le théâtre entre les deux, c’est-à-dire d’éviter qu’il ne se laisse engloutir par l’une ou l’autre des puissances qui le borde.
« Le texte est l’ordre symbolique auquel le théâtre se raccroche pour traiter, dans son élément propre, les inévitables négociations avec le corps dansant et avec l’énergie spectaculaire. » (p. 58)
Là encore Badiou anticipe l’objection qui consisterait à dire, à lui faire dire, que sa définition conceptuelle du théâtre n’englobe pas un certain type de représentation théâtrale empirique. L’objection est la suivante : il existe des spectacles de théâtre sans texte. Bien sûr. Mais que le texte soit un élément essentiel du théâtre ne signifie pas qu’il ne puisse exister de tels spectacles.
On conçoit souvent le texte de théâtre comme ce qui précède la représentation. La mise en scène apparaît dès lors comme une réalisation ou une actualisation d’un sens qui préexistait dans le texte. Badiou quant à lui définit le texte non comme un antécédent mais comme ce qui reste, ce qui survit à la représentation, ce qui fait qu’une fois que la représentation a eu lieu, elle peut être recommencée. Lorsque nous lisons les pièces de Molière, Shakespeare ou Tchékhov, nous pensons avoir sous les yeux le document qui précède toute représentation possible. En réalité, la pièce constitue bien plutôt la trace écrite d’une représentation ayant eu lieu, au moins en droit. Ce texte constitue la condition de possibilité non de la représentation mais d’une reprise éventuelle, la représentation ayant eu lieu. Badiou peut dès lors désigner le texte comme une garantie de l’avoir-lieu du théâtre.
Le texte est au théâtre ce que la déclaration est à l’amour, c’est l’élément qui permet d’en assurer la répétition, c’est la condition de possibilité d’un « rendez-vous perpétuel ». C’est pourquoi le texte opère sur l’événement théâtral (la représentation), ce que la déclaration d’amour opère sur l’événement amoureux (la rencontre), il l’inscrit dans l’éternité. C’est peut-être là une raison qui justifie que Badiou ait produit avant Éloge du théâtre un Éloge de l’amour [3]. Dans les deux cas, c’est l’événement, et son inscription dans l’éternité, qui est digne d’éloge.
Le texte est ce qui permet de maintenir le théâtre dans l’entre-deux où il se situe ontologiquement, entre immanence et transcendance ; le texte est ce qui lui évite de sombrer dans l’immanence ou dans la transcendance quand sa spécificité est justement d’incarner dans l’immanence la transcendance d’une idée.
L’image cinématographique ne permet pas à un sujet de rencontrer l’idée elle-même mais seulement une image passée de l’idée projetée sur un écran. C’est pourquoi Badiou considère que le cinéma est empreint d’une certaine mélancolie.
« Parce que l’image, à défaut d’un corps vivant, d’une présence et du lien que cette présence établit avec un texte immémorial, ne peut susciter, ou ressusciter, la tension entre la transcendance de l’idée et son action immanente dans une subjectivité contingente. » (p. 65)
Au cinéma, il faut s’évertuer à vaincre le hasard, afin de fixer l’idée.
« Au théâtre, le hasard est au contraire requis pour assurer que le public partage en immanence la transcendance textuelle de l’idée. » (p. 67)
Le théâtre produit une présentation corporelle de l’idée. Sur scène, l’idée se présente, elle se joue au présent, elle « s’immanentise » dans la présence corrélative des acteurs et du public. La réception immédiate du jeu des acteurs par un public est « comme la garantie collective d’une immanence de l’idée » (p. 66).
Mais qu’est-ce qu’une idée ?
« On appellera idée une orientation dans l’existence qui donne la mesure d’une puissance tout en ayant besoin d’être incarnée. Le théâtre, quand il a lieu, est une représentation de l’idée. (…) Ce que le théâtre montre, c’est la tension entre la transcendance et l’immanence de l’idée. C’est le seul sujet du théâtre. » (p. 63)
Cette idée qui doit nous aider à nous orienter dans l’existence fait évidemment référence à l’essai de Kant : Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?. Curieusement, ce n’est pas ici à la philosophie que Badiou confie la tâche de nous aider à nous orienter aussi bien dans la pensée que dans l’existence mais au théâtre. C’est le théâtre qui doit « vous orienter dans l’existence, en vous orientant d’abord, comme les acteurs tentent devant vous de le faire, dans la pensée. » (p. 12)
C’est pourquoi Badiou éprouve une prédilection pour « un théâtre des possibles » qui déploie comme un éventail les orientations existentielles. Il dit préférer « l’acteur qui reste en dedans de ce qu’il pourrait faire, l’acteur qui rend justice aux possibilités du jeu plutôt qu’à leur exécution intégrale. L’acteur au conditionnel, qui s’adresse à moi pour me montrer ce que le personnage pourrait faire, bien plus encore que ce qu’il fait. » (p. 87)
Le théâtre se distingue de la philosophie.
La philosophie partage bien avec le théâtre l’enjeu fondamental d’une transformation du sujet, d’une orientation de l’existence par l’idée. Précisément, Badiou considère que cet enjeu commun serait à la racine de la rivalité entre théâtre et philosophie. Cependant ce qui diffère, c’est la façon dont théâtre et philosophie produisent l’idée. Les moyens dont disposent le théâtre et la philosophie ne sont pas les mêmes, univoque et direct dans le cas de la philosophie, équivoque et indirect dans le cas du théâtre.
« Le théâtre choisit le moyen indirect de la représentation et de la distance, tandis que la philosophie choisit le moyen direct de l’enseignement, dans le face-à-face entre un maître et un auditoire. Nous avons d’un côté l’enseignement par l’équivoque voulue de la représentation face à un public rassemblé, de l’autre l’enseignement par l’argumentation univoque et le dialogue, face à face, qui sert à consolider les résultats subjectifs. » (p. 34)
Nous avons vu que le cinéma produisait l’idée dans la transcendance d’un pur passé. En revanche, le théâtre produit l’idée dans l’immanence présente de la scène. La philosophie ne produit l’idée ni dans le passé de l’image ni dans le présent de l’immanence ; dès lors on peut se demander si sa dimension propre ne pourrait pas être l’avenir. Le théâtre produit bien « une modification subjective active, quoique souvent inaperçue » (p. 74). La philosophie et le théâtre ne visent rien d’autre que la transformation subjective suscitée par la présentation de l’idée. Cependant la philosophie cherche à produire cette transformation au moyen de discours argumentés et le théâtre la produit dans l’immanence de la présence scénique, c’est là toute la différence.
Par ailleurs la philosophie se satisfait difficilement de la confusion ; elle est l’ennemie des idées confuses qu’elle détruit à coups de distinctions et de clarifications. Le théâtre en revanche peut très bien s’enfoncer dans la confusion pour en faire ressortir les éclats lumineux d’une idée. Le théâtre fait jaillir de la lumière par brefs éclairs, non de la construction d’idées claires et distinctes, mais d’une exposition de la confusion. Le théâtre produit paradoxalement de l’évidence en explorant la confusion.
« Une des missions fondamentales du théâtre dans une période de confusion est d’abord de montrer la confusion comme confusion. Je veux dire par là que le théâtre stylise et amplifie, jusqu’à en produire l’évidence, le fait qu’un monde confus est invivable pour les sujets qui le composent, même et surtout quand ils croient que la confusion n’est qu’un état normal de la vie. Le théâtre fait apparaître sur scène l’aliénation de qui ne voit pas que c’est la loi du monde lui-même qui l’égare, et non la malchance ou l’incapacité personnelle –Tchekhov, Ibsen ou Eugene O’Neil sont de grands maîtres en la matière ; puis, à l’intérieur de cette monstration de la confusion, le théâtre tente de faire émerger une possibilité inédite. Et là, on peut dire que Claudel, Brecht ou Pirandello sont exemplaires. Cette émergence de la possibilité n’est pas forcément idéologique ou abstraite : elle surgit de la subjectivité elle-même, de son enfoncement dans la confusion. Le théâtre va enseigner leur propre confusion aux spectateurs, en leur faisant enfin reconnaître la confusion de la confusion, en leur montrant que la confusion est vraiment confuse, et en faisant pointer de l’intérieur de cette confusion une possibilité interne inaperçue dans la confusion ordinaire. » (p. 70-71)
Badiou commente Oh les beaux jours de Beckett pour montrer que de brèves éclaircies jaillissent de l’exposition de la confusion. Quelque chose comme « un jour » précaire finit par advenir au cœur de la confusion. La façon de procéder en philosophie, de lutter contre la confusion environnante des opinions vulgaires, se veut radicalement différente. À cet égard, on pourrait relire toute l’histoire de la rivalité entre philosophie et théâtre à la lumière de cette question de la clarté et de la confusion, en faisant valoir que la philosophie, de Platon à Descartes, et bien au-delà, s’est toujours opposée à la confusion, et souvent au théâtre, que le théâtre fait jaillir ses propres éclairs du cœur de la confusion, d’Eschyle à Joël Pommerat, en passant par Shakespeare.
Le théâtre se distingue de la politique.
Badiou récuse l’idée d’accoler des adjectifs au théâtre. Pas plus que la philosophie n’est politique, le théâtre ne saurait être considéré comme spécifiquement politique. Le théâtre peut avoir la philosophie, l’amour ou la politique pour sujet bien sûr. Que la politique constitue un des matériaux de prédilection du théâtre ne permet pas de qualifier le théâtre de politique pour autant. Le théâtre est le théâtre, de même que la philosophie est la philosophie, sans avoir besoin d’un adjectif pour être plus pleinement théâtre qu’il ne l’est. Ni la constitution d’un public en assemblée, ni le lien entre État et Théâtre (c’est une des thèses de Rhapsodie), n’incite Badiou à conclure à une nature politique du théâtre. L’idée est que le théâtre trouve son objet propre en lui-même sans avoir besoin de l’emprunter à la politique.
« Le théâtre appartient, dans mon jargon, à la procédure de vérité artistique, distincte dans son essence même de la procédure politique, et avant même de se prononcer, dans telle ou telle conjoncture, sur les liens possibles entre ces deux procédures, il faut affirmer leur différence. » (p. 81)
Le théâtre se distingue du « théâtre ».
Badiou désigne dans Rhapsodie comme « théâtre », entre guillemets, une forme fourvoyée du théâtre. On ne peut parler de théâtre, au sens propre du mot, quand ce qui se donne sous le nom factice de théâtre, s’est éloigné de sa finalité propre. L’enjeu du théâtre consistant à produire une transformation subjective, une orientation existentielle, chaque fois que le théâtre nous maintient dans la forme dominante de la subjectivité, il s’écarte de sa vocation, il ne s’agit plus de théâtre mais de son contraire. Il convient alors de lui donner des noms d’oiseaux, comme ceux de divertissement, de mauvais théâtre ou de « théâtre ». Loin de susciter une nouvelle orientation, cet ersatz de théâtre conforte les opinions des spectateurs, il confirme les valeurs en cours. Au sortir de ces lieux qui se font passer pour des théâtres, où on a joué des spectacles qui se font passer pour des représentations, notre subjectivité n’aura pas eu l’occasion de se troubler, de chanceler, de vibrer, d’avoir l’once d’un espoir de se renouveler. Le théâtre se doit d’être critique vis-à-vis des valeurs dominantes, quand le divertissement ne fait que propager la domination. Badiou distingue alors le divertissement d’un véritable théâtre comique. La comédie peut dévoiler la vérité cachée derrière l’idéologie dominante. Elle peut produire un dévoilement critique de la vérité.
« La vraie comédie ne nous divertit pas, elle nous met dans l’inquiétante joie d’avoir à rire de l’obscénité du réel. » (p. 17)
Badiou affirme que le théâtre exige une « distinction ». C’est que le philosophe de l’événement est resté fidèle à la conception mallarméenne du théâtre comme « art supérieur ».
« Mallarmé, en parlant de sa supériorité, veut seulement dire que le théâtre est le plus complet des arts parce qu’il traite l’immanence et la transcendance dans l’immédiat. » (p. 68)
L’idée, seule susceptible d’orienter nos existences, apparaît dès lors clairement comme l’élément indispensable pour que le théâtre soit du théâtre, et non de l’abrutissement consenti, non de l’idéologie.
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[1] Alain Badiou, Rhapsodie pour le théâtre, Imprimerie nationale éditions, Collection « Le spectateur français), 1990.
[2] Alain Badiou, avec Nicolas Truong, Éloge du théâtre, Flammarion, collection Café Voltaire, 2013.
[3] Alain Badiou, avec Nicolas Truong, Éloge de l’amour, Flammarion, collection Café Voltaire, 2009.