Qu’est-ce que la philo-performance ?

Cet article est une retranscription de la table-ronde intitulée « Qu’est-ce que la philo-performance ? », qui a eu lieu à Paris, le 28 juin 2014, lors du colloque international « Théâtre, performance, philosophie : croisements et transferts dans la pensée anglo-américaine », organisé par Julien Alliot, Flore Garcin-Marrou, Liza Kharoubi et Anna Street, pour le Laboratoire LAPS.

Flore Garcin-Marrou : Bonjour à tous. Je me présente en quelques mots, comme le fera chacune ensuite. Le rapport entre philosophie et théâtre m’a toujours occupé, depuis ma thèse sur Deleuze, Guattari et le théâtre, depuis l’organisation d’un premier colloque à l’Ecole normale supérieure en 2012 [1], depuis le lancement du groupe de recherche Labo laps [2]… Lors de la préparation de ce colloque TPP 2014, l’idée de cette table-ronde conçue comme un espace de rencontre s’est vite imposée à moi car nous avons toutes, ici, des affinités particulières évidentes. Notre rencontre n’aurait pas pu ne pas se faire. Ce qui nous rassemble, c’est que nous nous occupons de pensée et d’art, en les hybridant, en expérimentant de nouveaux dispositifs, en étant très attachées à la nécessité de tisser des liens d’amitié avec d’autres chercheurs qui partagent nos envies et nos nécessités. Nous voilà donc aujourd’hui réunies autour de cette question : qu’est-ce que la philo-performance ? D’abord, je crois qu’aucune ici n’est sûre de ce terme. Il nous paraît à la fois séduisant et insuffisant. Hier, Muriel Plana dans sa présentation sur les « Jeunes scènes queer françaises » nous a parlé d’une « perfo-conférence » où se jouait l’entremêlement d’une parole corporelle et d’une parole articulée [3]. De même, le collectif Ajàso de l’Université de Toulouse a présenté un documentaire réalisé par Gentian Koçi sur ce désir collectif de déplacer la philosophie hors de l’université, de rencontrer le Dehors [4]. Comment une pensée peut-elle fédérer, créer une circulation d’affects autour d’un acte de création collective ? Le temps est maintenant venu de confronter nos histoires. L’une d’entre vous voudrait-elle commencer l’échange ?

Camille Louis : Merci Flore d’avoir eu l’initiative de ce moment. . Pour ma part, je suis à la fois dramaturge et en train de terminer ma thèse de philosophie à l’Université Paris 8 (où j’enseigne aussi), thèse qui s’intitule : « la recomposition du Politique dans la décomposition des politiques ». J’essaie dans celle-ci de voir comment certaines approches plus sensibles, plus esthétiques (telle que celles offertes par des démarches artistiques contemporaines) qui font cas des corps, des gestes, des dimensions performatives des assemblées tout autant que de leurs énoncés et discours, peuvent apporter quelque chose à une pensée philosophique qui cherche à penser le politique et ses mutations actuelles, en dehors des critères hérités de la « Philosophie politique » ou en écart d’une certaine pensée politique qui ne cesse de nous dire qu’aujourd’hui que, dans ces « mouvements des places », et phénomènes d’occupations : il ne se passe rien. Pour cette recherche, ma pratique de dramaturge est importante et c’est aussi dans la rencontre de ces deux pratiques que j’ai initié, il y a 5 ans, un collectif européen interdisciplinaire : kom.post, où l’on expérimente le déplacement de la philosophie dans le champ performatif à travers des dispositifs interactifs qui repensent sans cesse la relation entre spectateurs, performeurs et auteurs [5]. Quand Flore nous a proposé le terme de philo-performance, je l’ai trouvé très complexe car pendant le colloque, nous avons été confrontés à cette apparence : nous nous entendons tous sur le fait que la philosophie est, de fait, performative, qu’il y a des moments performatifs de la philosophie… Or je n’ai pas l’impression que cela aille de soi. Pour retracer des choses qui se sont dites, je pense à la première conférence de Martin Puchner qui voyait la performativité de la philosophie dans certaines scènes philosophiques, notamment les scènes d’instruction [6]. Or il me semble que ce sont des scènes qui incarnent un certain rapport de pouvoir… Dans l’intervention extrêmement intéressante de Muriel Plana, on a vu comment une charge performative de la performance et de la philosophie serait une capacité à remettre sans cesse en question les représentations établies ou les rapports de forces inscrits dans une société capitaliste. Voilà qui donne une dimension politique à la performance et à toute autre démarche de pensée et de création. Si la performance se trouve à un endroit de perturbation de ce qui est établi, toute philosophie n’est pas performative. Il s’agit alors d’un certain travail philosophique, problématique, problématisant, conflictuel qui ne va pas de soi. Le terme de philo-performance est intéressant car en allant jusqu’au maximum de ce couplage entre philo- et performance, on revient sur ce qui les distingue et sur ce qui fait qu’il y a des points de rencontre que nous pouvons, par nos expériences singulières, relocaliser en trouvant à quels endroits philo- et performance peuvent se rencontrer l’une et l’autre.

Flore Garcin-Marrou : Ce terme de philo-performance avait été proposé il y a une dizaine d’années par Charlotte Hess à travers un manifeste sur le site Zones d’attraction.

Charlotte Hess : Bonjour, je suis danseuse de tango argentin et performeuse. J’ai suivi une double formation en Arts du spectacle en philosophie à l’Université Paris 8. Ce collectif baptisé « philo-performance » s’est créé il y a dix ans de l’idée d’une mise en scène de la pensée [7]. Depuis, nous avons déjà beaucoup bougé. Ce colloque m’apparaît intéressant mais aussi curieux avec cette idée de quelque chose qui nous viendrait des Etats-Unis, alors que nous pensions il y a dix ans ce que pouvait être la philo-performance ici, à Paris, ou ailleurs. Le terme de philo-performance est complexe en effet. On entend souvent l’idée que la performance de la pensée aurait comme principale visée de rendre la « grande philosophie », avec l’aide de l’art, plus intelligible. L’art deviendrait en quelque sorte un outil pédagogique qui prétendrait éclairer, expliquer aux gens une situation dans laquelle ils sont impliqués. Ce que nous avons essayé de faire, c’est précisément le geste inverse ! Nous avons essayé d’entrevoir comment dans tout geste se niche de la pensée et comment la pensée est capable d’être performative, mais au sens où elle produit des gestes du commun. Dans les usages que l’on fait de la philo-performance, ce qui me semble problématique, c’est ce que l’on entend par philosophie, la discipline académique, la « grande » pensée, la rationalité, alors que ce que j’entends par « philo » dans « philo-performance », c’est la pensée que l’on peut trouver dans le quotidien, dans des dispositifs pratiques, des scènes sociales, qui nous permettent avant tout de penser le commun et l’être ensemble.

Liza Kharoubi : Je suis Liza Kharoubi, co-organisatrice du colloque, MCF à l’Université d’Avignon. Ce colloque a été pensé comme un événement répondant à un besoin de geste en philosophie et dans la pensée en général, où l’on essaye de retrouver ce qu’il y a de vivant, de créatif dans l’acte de pensée et ce qu’il y a de spéculatif, de façon immanente, dans le geste artistique en particulier. Le geste est aussi complexe. Il permet de questionner ce qu’il y a entre philo- et performance et de réajuster le fait qu’il ne s’agit pas de « décorer » la philosophie par du geste, mais trouver le moment où il va se passer quelque chose – c’est dans cet esprit que va le travail d’Alphonso Lingis.

Marielle Pélisséro : Je suis doctorante à Paris Ouest Nanterre et je travaille sur l’émergence de la performance en France depuis les années 1960, sur la nécessité d’un tel concept et de ses usages. Je travaille également à une proposition d’étude des rapports entre les individus participant à une séance théâtrale à travers la notion de performance [8]. Lors de ce colloque, j’ai présidé la session du Laboratoire du geste. Il s’y est passé quelque chose de très intéressant autour du geste et de l’idée de spéculation. Au cours de workshop, aucun des participants n’a été dans un souci de productivité ou de résultat. Nous avons plutôt favorisé la spéculation dans ce temps de performance qui a créé de la pensée. Pour moi, le concept de philo-performance correspond à la dimension d’un espace-temps spécifique où des gens font et pensent simultanément, à travers des gestes qui produisent de la pensée, qui rebondit sur d’autres gestes et ainsi de suite. C’est un va-et-vient spéculatif entre « je pense » et « j’agis ». Ce que je fais me fait penser, moi, en tant qu’individu, mais surtout par rapport à un collectif. La tension entre individu et collectif me semble primordiale pour penser la philo-performance.

Nadia Vadori-Gauthier : Je suis performeuse au sein du Corps collectif, engagée dans la recherche à l’Université Paris 8 en tant que doctorante en Arts plastiques, formatrice en Body-Mind Centering et praticienne somatique [9]. À travers mon expérience, et comme tu le disais, Flore, ce matin : un espace liminal entre l’art et la philosophie existe, et la performance peut en être un espace applicable [10]. Pour moi, les deux se rencontrent dans un espace informulé dont on n’a pas forcément les clés, qui dépasserait ce que l’on pourrait en dire. Un espace « aveugle », sans mots pré-déterminés, une chose profondément mystérieuse qui, pour moi, a un rapport avec la vie. Il y a quelque chose qui se tisse entre l’expérience somatique et la pensée qui ne sont pas séparés. Je pense que le corps pense et que le corps en mouvement génère de la pensée, de la même façon que la pensée somatise et s’inscrit dans le corps. Dans mon expérience, j’ai commencé par me soustraire au langage, refusant de mettre des mots sur les choses, refusant de m’assigner au sens donné a priori pour investir une zone dont je n’avais pas les clés. Je m’immergeais par la danse dans un silence bruissant de sensations. J’ai parallèlement commencé à explorer des façons de dire des textes poétiques ou automatiques en ne m’attachant pas à leur signification, mais à leurs sonorités, leurs rythmes, leurs textures, afin de trouver des façons, comme le dit Deleuze, de « bégayer dans ma propre langue », d’ouvrir des espaces de non-sens d’où peut jaillir le sens. Au fur et à mesure que j’investissais intensivement par l’exploration en mouvement un espace sans paroles, j’ai éprouvé la nécessité de formuler. A partir de là, je me suis tournée vers la philosophie. Les rencontres avec des concepts ont été des événements affectifs, émotionnels très forts qui rencontraient l’expérience somatique, qui pouvait se formuler en écho à certaines pensées, où la pensée de certains philosophes venait changer l’expérience somatique. Un aller-retour constant. Donner, dans l’expérience, un corps affectif au concept, non pas comme entité formelle mais comme vecteur de transformation, pour moi c’est ici que la philo-performance se situe : un foyer d’intensité ouvert sur un chaos qui se compose au fur et à mesure de l’expérience. Je peux me référer à plusieurs concepts qui sont toujours en transformation, à partir du moment où je les pense. C’est biface, en flux constant. Chaque chose se dissout et se compose à chaque fragment de temps. Voilà où cela se rencontre pour moi. C’est vraiment somatique, et donc, de la pensée. C’est affectif car il y a une puissance d’affecter et d’être affecté.

Amalia Boyer : Je travaille en Colombie. J’ai commencé une recherche sur un collectif de femmes dans les années 1980-1990 avec ce que l’on a appelé la danse-théâtre. On pourrait en parler comme une philo-performance, centrée sur le défaut de transmission du geste. Il ne s’agissait pas d’actrices ni de danseuses professionnelles. Très occupées, elles se réunissaient à la fin de la journée pendant trois heures, en dehors de tout cadre institutionnel, de toute rémunération, pour faire un travail sur elles-mêmes. Je voulais partir des problèmes de leur quotidien. Après ce long travail collectif, il y a eu une forme de restitution, de création, qui a d’emblée pris ses distances avec la danse moderne, classique ou folklorique. Mon rôle a été de construire une archive de leurs gestes à travers un art vivant, des performances. D’un côté, performance et archive sont incompatibles puisque la performance ne peut s’enregistrer ou s’archiver. D’un autre côté, il était important de garder, conserver la mémoire, la trace, l’inscription de ces femmes pour les générations futures. Cela s’est passé dans une région où l’on n’imagine pas qu’il y a eu ce genre de pratiques performatives, où l’on fait comme si les pratiques n’ont jamais existé. Quel est alors le pouvoir de l’archive, face aux conflits, aux tensions ? J’ai aussi questionné mon rôle, en tant que philosophe. Il s’est produit d’ailleurs une sorte de renouveau dans mon travail : en voulant comprendre comment ces femmes avaient travaillé, j’ai voulu travailler de façon similaire. Je suis passée à un autre mode d’écriture, à une dramaturgie devant insérer des actions, des gestes et plus seulement enchaîner des concepts et des mots. Pas question de faire un commentaire de ce travail : j’ai donc présenté l’archive vivante, en renouant avec un travail corporel que je pensais avoir laissé en arrière (j’avais fait de la danse pendant 20 ans puis j’avais coupé avec 20 ans de philosophie). Comment les reconnecter ? De même, comment connecter l’individu à un collectif ? Au cours du travail, il y a eu cette notion importante d’archipel que j’apprécie beaucoup dans les Carribean Studies : comment chaque femme est-elle une île ? Comment l’une peut-elle se sentir très isolée ? Comment la même femme, en se confrontant au groupe, peut-elle se rendre compte que ses problèmes personnels sont en réalité partagés par la plupart ? Comment une insularité peut-elle commencer à faire archipel ? La relation entre l’archipel et l’archive permet de penser un milieu de la pensée, plutôt que ses médiations, un réagencement à tous points de vue entre le texte, le geste, les pratiques philosophiques et performatives.

Flore Garcin-Marrou : Cette insularité est aussi la nôtre : celle de l’espace liminal sur lequel nous nous tenons toutes, entre performance et philosophie. Avital Ronell le remarque très bien dans ses entretiens avec Anne Dufourmantelle (American Philo) : le vent de la French Theory a soufflé dans les universités américaines, touchant particulièrement les universitaires femmes : Naomi Schor ou Jane Gallop faisant des performances-conférences, portant des cravates, presque nue, pour parler du double bind lacanien. Ai-je fait exprès aujourd’hui de n’inviter que des femmes ? Cet espace liminaire s’impose-t-il comme un refuge hors des fictions masculinistes, un espace habitable et respirable pour les jeunes chercheurs sans postes ? Question délicate, qui reste ouverte, car qu’est-ce que les hommes ne pourraient pas dire ? Comment appréhender ce « boomerang américain », ce retour des Etats-Unis de tout ce que la French Theory y a inspiré depuis trente ans ? Plus largement, je crois que la philo-performance permet de ne pas emprunter les larges autoroutes de la philosophie spéculative et de s’engouffrer dans des contre-allées, des petites routes mal indiquées que Ronell appelle back roads et qui nous invitent à ne pas dissocier la pensée de l’exercice physique, à réconcilier une rhétorique du sport à une rigueur du concept.

Maria Kakogianni : Je m’appelle Maria Kakogianni, et quelque part je suis venue un peu comme parasite ici. Il y a deux choses que j’aimerais pointer : la question de la discipline et la question du geste. Je vais faire un petit détour, comme j’aime bien le faire. Qu’est-ce que la philosophie-performance ? C’est une question dont je ne me suis jamais occupée, qui n’a jamais constitué un objet de pensée, de la même manière que la performance ou la performativité. Mon point d’appui n’est pas non plus une pratique artistique dans laquelle j’ai eu à traiter de ce genre de question. D’où la place de parasite. La question de la performance en philosophie est plutôt quelque chose qui m’est tombée sur la tête, un jour, lors de ma soutenance de thèse. Alain Badiou m’a demandé : « Votre thèse, est-ce que c’est une installation ou une performance ? » Sur le moment, je suis partie dans ma réponse sur l’idée que c’était une installation (la démarche spéculative de cette « thèse » est de l’ordre d’une construction). Au fil des années, j’ai commencé à penser que ce que j’avais fait était peut-être aussi un geste. Pourquoi ? Parce que ce dont ma thèse parlait, elle le faisait en même temps ; ce qui est la définition même d’Austin par rapport au performatif. La deuxième fois que le performatif m’est tombé sur la tête, c’est lorsque les institutions académiques françaises ont considéré que mon travail n’était pas normalement académique. Cela ne correspond pas à ce qui devrait se faire. Qu’est-ce qui, dans mes gestes académiques, n’est pas normal ? Face aux normes liées aux institutions, que penser de ce geste raté, que l’on ne choisit pas ? Que dire/faire quand l’institution vous nomme « ratée » ? Quelqu’un qui est queer n’a pas choisi d’être queer. Donc ça vous tombe sur la tête. Et c’est là qu’il faut faire quelque chose avec ça parce que l’institution, ses normes naturalisées, vous disent : vous n’êtes pas normal-e. Dans le titre de cette table-ronde « Qu’est-ce que la philo-performance ? », il y a un problème, me semble-t-il, dans la question même. Est-ce que l’on cherche l’essence, comme la vieille métaphysique quand elle posait la question « Qu’est-ce qu’une chaise ? Est-ce que la chaise a une essence » ? Ou, si ce n’est pas cela, qu’est-ce que l’on est en train de faire ? Je reviens alors vers une des phrases clé de Butler qui dit qu’« il faut remplacer les essences par la performance »… En même temps, j’ai des doutes sur cette assurance post-moderne d’avoir fini avec le leurre métaphysique, sur cette propension qui prend la forme aussi d’un impératif, en dernière instance marchande, de « libérer les corps et leurs gestes ». Ce qui me fait terminer par d’autres types de questions. Nous sommes dans une violence néo-libérale radicale. Si je reviens à la définition austinienne du performatif, en tant que parole qui fait ce qui dit, que dire des politiciens qui ne font jamais ce qu’ils disent ? D’autre part, on a des mouvements politiques, qui, comme selon l’hypothèse de Butler hier, se soustraient des revendications concrètes envers l’Etat, mais se limitent au geste même. Qu’est-ce qu’un geste politique qui ne soit pas un acte de parole (speech act) ? Quelle idée de la politique cela implique-t-il ? Que s’est-il « passé » sur la place Syntagma et sur les autres places occupées (New York, Istanbul, Le Caire, Madrid) ? Y a-t-il eu des énoncés et comment ?

Camille Louis : C’est très bizarre, cette chose de philo-performance, encore une fois. Que ce soit un endroit de rencontre, ce qui te tombe sur la tête, ce vers quoi on revient, cet endroit où on a malgré tout besoin de la philosophie… Cela se fait toujours dans une espèce de tension désirante qui montre que le fait que le couple fasse couple ne va pas de soi. Je me dis qu’en parlant ou en essayant de définir la philo-performance, nous sommes en train de noter une nécessité intrinsèque à la philosophie de chercher d’autre terrains, d’essayer de se mettre un petit peu plus en vie, en risque… Ou ne sommes-nous pas en train de rejouer une sorte de domination de la philosophie qui se nomme philo-performance quand elle ne fait que reprendre la veille expression des philosophes qui se réclament plus poètes que les poètes ? A l’endroit d’où je parle, qui est celui de la philosophie contemporaine, ne peut-on penser à destituer une certaine souveraineté de la pensée occidentale et de ce « je » occidental dont parlait Catherine Malabou lors de ce colloque TPP [11], sans retomber dans une espèce de défaitisme post-moderne, mais bien en considérant que dans ce « je » là qui n’est pas pour autant un « je » souverain, il y a de la puissance mais une puissance altérée et altérisée (traversée par l’autre), qui touche aussi à la question au collectif ?  Ce « je » qui s’expose ne le fait pas en tant que « je » souverain, mais en tant que « je » vers l’autre, « je » vers l’altérité, qui s’altère lui-même. Là, dans ce bouclage entre philosophie et performance en altérité, du politique se met à jouer. Du politique qui peut ne pas être du tout à l’œuvre si on pense que c’est juste la philosophie qui peut être aussi performance. Quand le corps pense, ce n’est pas pour autant de la philosophie. La danse a une façon de penser proprement chorégraphique. La performance pense de manière proprement performative, sans pour autant être de la philosophie. Voilà les raisons qui me poussent à distinguer performance et philosophie, afin d’éviter de recréer du monopole.

Charlotte Hess : Je ne voulais pas imposer d’emblée un déplacement sur la question du geste mais il est vrai qu’en général, on peut réduire la performance à quelque chose de l’ordre du langage, surtout du point de vue de la philosophie. A ce stade de la discussion, nous avons commencé à mieux définir l’endroit d’où l’on parle quand il est question de philosophie. Elle se trouve décentrée par rapport aux sphères académiques et purement rationnelles. A travers ce que nous disent Nadia et Amalia de leurs expériences, particulièrement de l’expérience somatique, j’aimerais dire qu’il ne faut pas oublier que le corps n’existe pas. Je ne sais pas si nous pouvons tomber d’accord là-dessus. Les dualismes du type corps/esprit ne sont pas seulement la création d’une différence logique pour penser, mais créent aussi des hiérarchies, de la dépendance, de la domination. Qu’est-ce que c’est que le corps ? Pour le dire simplement, si le geste se différencie du mouvement de la machine, c’est qu’il est traversé des dimensions psychiques, sociales, perceptives, coordinatrices… Il y a toujours un arrière-fond du geste. Autrement dit, ce ne sont pas les corps qui produisent les gestes, mais ce sont bien les gestes qui fabriquent les corps. Je pense que les pratiques somatiques, qu’évoquait Nadia, apportent beaucoup pour penser ce que Michel Bernard appelle la corporéité [12]. Par rapport à la question de la transmission du geste qu’évoquait Amalia, j’aimerais noter que si nous sommes toutes dans le champ artistique et que les expériences racontées montrent toutes un déplacement par rapport à la scène spectaculaire traditionnelle, elles impliquent aussi de penser la question du public auquel on est censé s’adresser, de réinterroger ce que « public » veut dire. Ces femmes auxquelles tu faisais allusion, Amalia, qui ne sont pas professionnelles, posent la question : que faire ensemble, que signifie, à partir de gestes, créer un espace commun ? En tant qu’artiste, comment en rendre compte, comment ne pas faire « sur », mais « avec » les personnes ? La performativité des gestes ne suppose-t-elle pas et ne permet-elle pas, en même temps, d’inventer de nouvelles scènes ? C’est peut-être là que se situe le rapport entre esthétique et politique.

Liza Kharoubi : Ce que tu dis par rapport au geste, particulièrement, me fait penser à l’un des titres de livre d’Alphonso Lingis La communauté des gens qui n’ont rien en commun [13]. Je trouve que la particularité du geste par rapport à la machine, au mouvement de la machine quelle qu’elle soit, est que le geste est adressé. Le geste est le mouvement principal de l’éthique. Cette dimension éthique vient selon moi avant le politique : l’éthique donne sens au politique, l’ouvre. Je remarque aussi toutes nos plénières sont occupées par des philosophes, certes poètes. Certes on a créé des espaces pour pouvoir donner la place à la performance, à l’artistique, au documentaire sur la « philo-performance » d’Ajàso, à la lecture collective Antigonick, mais peut-être a-t-on a aussi péché, parce que l’on a donné le pouvoir à un discours philosophique décalé – et c’était déjà beaucoup faire – mais qui était quand-même philosophique [14]. Nous ne pouvons que créer de nouveaux réajustements, des déplacements. C’est d’ailleurs ce que nous sommes en train de faire : en déplaçant la parole, nous créons un geste qui définit un nouveau geste pour la philo-performance. La forme du colloque ne doit-elle pas être remise en question ? Voilà un nouveau chantier pour 2017.

Flore Garcin-Marrou : 2016 !

Camille Louis : Mais vous n’y avez pas pensé du tout ? Enfin, si, vous y avez pensé… Changer le dispositif, ne plus avoir de conférence, créer des espaces conversationnels… Je suis sûre que ça vous a traversé l’esprit.

Charlotte Hess : Avouez !

Liza Kharoubi : Bon, on va essayer en 2016.

Esa Kirkkopelto : Bonjour tout le monde. Je suis Esa Kirkkopelto, je viens d’Helsinki. En vous écoutant, je pense que la question de ce qu’est la philo-performance ne me va pas. Lors de TPP 2014, dans les ateliers que j’ai suivis attentivement, on a eu quelques essais assez beaux. Mais cela pose quelques problèmes. Ma première remarque concerne la relation au champ artistique en général. Lorsqu’on parle de la pensée et de la philo-performance, il est couramment admis que ceux qui pensent sont les autres : ce sont les metteurs en scène, ce sont les chorégraphes… Les danseurs et les danseuses, eux, dansent, et les acteurs interprètent. Ainsi, quand on commence à parler de la philo-performance, on évoque une dimension émancipatrice : les performers, eux aussi, pensent. L’ensemble performant est un ensemble qui pense. Cela produit ainsi une redistribution dans les façons de faire des productions et de les évaluer. Cette émancipation peut constituer une menace pour certaines personnes : des chercheurs en art, ou de l’institution critique. Si les artistes eux-mêmes commencent à s’exercer à la critique, que vont faire les critiques d’art ? S’il y a des tensions, des oppositions académiques à la philo-performance, rien de bien étonnant. En revanche, ce que certaines d’entre vous ont évoqué à propos de leur difficulté à faire reconnaître leur travail me semble être un problème plus français. Il y a des pays en Europe où l’on peut aujourd’hui faire de la recherche qui combine pratique et théorie, dont les résultats peuvent tout à fait être considérés comme de la philo-performance. En somme, je retiens cette question de l’émancipation : qui a le droit de faire de la recherche ? Est-ce que ce sont seulement les chercheurs en art qui auraient le droit de faire de la recherche, ou est ce que les artistes eux-mêmes sont autorisés à faire de la recherche sur leurs propres pratiques ? Il s’agit d’un enjeu institutionnel et politique.

Marielle Pélisséro : A propos de cette idée d’étendre le territoire de ceux qui pensent, Esa, vous dites que l’acteur pense, que le performeur pense.  J’ai envie d’aller encore plus loin en disant que les spectateurs pensent aussi. Pour parler du geste adressé, comme l’évoquait Liza, il faut bien qu’il y ait quelqu’un derrière, à qui le geste est adressé. Le spectateur fait entièrement partie de cette pensée. On parlait tout à l’heure de liminalité, je pense qu’il y a quelque chose à cet endroit-là. Nous ne sommes situés ni du côté du spectateur ni de celui du performeur, mais justement dans l’entre-deux. Et c’est dans cet intervalle-là que la pensée apparaît.

Maria Kakogianni : J’aimerais d’abord répondre à Camille sur son inquiétude à propos de la philosophie qui pourrait récupérer la philo-performance. Je voudrais défendre l’indéfendable, en rappelant Platon et son exclusion des poètes. Quelque chose n’est pas lisible dans les traductions. Tout au long du texte, Platon joue sur l’ambigüité du mot poète (ποιητής) qui veut dire à la fois le producteur et le poète, au sens strict. Platon nous dit que l’usager (celui qui se sert de) a une meilleure épistémè que le producteur, le poète, ce qui signifie que l’acteur a un meilleur usage du texte. Ce que je veux dire par là et cela va répondre aussi à la remarque d’Esa Kirkkopelto sur la France : je ne pense pas que qu’il y ait un problème spécifiquement français dans la recherche. Cela fonctionne de la même façon ailleurs, et c’est ce que je comprends par la performativité des normes : des normes se stabilisent et se naturalisent, elles ne sont pas naturelles. Naturellement, la France n’a pas des universités fermées par rapport à d’autres pays… Je pars du principe que tout geste créatif dérange et est maladroit. Il n’est pas dans la maîtrise. C’est d’abord une maladresse par rapport à ce que l’on entend normalement comme bien-faire, bien-parler, bien-danser. Toute nouveauté, et pas simplement artistique au sens restreint du terme, dérange. A partir du moment où en faisant quelque chose, les gens vous accusent que vous n’êtes pas dans les normes, ça vous tombe sur la tête. Par rapport à cette philosophie qui a tendance, c’est vrai, à récupérer souvent et se mettre en panopticon pour surveiller tout le monde et se faire juge de tout ce qui pense et ne pense pas, cela dépend encore une fois de ce que l’on entend par philosophie. Pour prendre un exemple, le geste soixante-huitard est un geste qui dit que la politique pense déjà et que ce n’est pas à la philosophie de dire ce que la politique pense. L’art pense déjà… Alors que par exemple, la danse, l’architecture, les mathématiques sont des domaines qui pensent, la philosophie, que j’ai toujours considérée comme l’Etranger, n’a pas son lieu propre, n’a pas de corps : elle se place entre les domaines. En ce sens, la philosophie va être par constitution, bâtarde. Il y a deux philosophies : celle qui se reconnaît bâtarde et celle qui se voit calife à la place du calife… Et c’est parce que la philosophie est constitutionnellement dans ce double jeu, dans cette double position qu’à chaque fois qu’il y a de la nouveauté, une certaine philosophie vient « récupérer » et faire ce dont Camille a peur… Mais il y a aussi la philosophie « bâtarde » qui vient se mettre entre les frontières, entre les corps. La philosophie est philia, amour entre des corps-langages. La philosophie n’a pas de corps, mais elle fait que des corps s’aiment. On ne sait pas ce qu’est un corps, mais parfois, on voit ce qui se passe quand deux corps se rencontrent.

Aline Wiame : Bonjour, je m’appelle Aline et je viens de l’Université libre de Bruxelles. Je voudrais réagir sur la question du geste qui m’intéresse beaucoup et notamment sur le glissement dont Charlotte parlait dans sa pratique de la philo-performance au geste. Cela résonne pour moi car je ne suis pas vraiment sûre du terme philo-performance : autant je trouve que « performance philosophy » fonctionne, autant je suis moins convaincue par « philo-performance ». A l’Université de Bruxelles, je travaille notamment avec Isabelle Stengers. Pour son départ à la retraite, il y a un an, elle avait organisé, avec son groupe de recherche le GECo (Groupe d’études constructivistes), un colloque à Cerisy qui s’appelait « Gestes spéculatifs [15] » avec toutes ses amitiés intellectuelles, telles que Tobie Nathan, Bruno Latour, Donna Haraway etc. Toutes ces personnes avaient bien intégré la question des « gestes situés ». Mais le sens qui naissait assez spontanément des différentes interventions du colloque, c’était l’idée de ce que Stengers appellerait l’écologie de pratique, soit un « geste spéculatif ». Comment, dans sa propre pratique, peut-on créer un geste qui soit de l’ordre de la théorie ou d’une action ? Quels gestes peuvent être créés pour faire bouger les choses qui ne conviennent pas dans sa pratique ? Où, quand, pourquoi un geste ? Cela s’est posé en psychiatrie avec Tobie Nathan, mais aussi avec des juristes qui ont parlé de la manière de renverser certaines règles de lois pour faire avancer le droit par la jurisprudence dans un sens progressif en quelque sorte… A partir de cet exemple, je me dis que finalement ce que le geste spéculatif et l’écologie des pratiques permettent de penser, c’est peut-être de dépasser la question de ce qu’est exactement la performance et de ce qu’est exactement la philosophie (qui peut elle-même devenir un piège car avec elle, on ne cesse de poser les bases, mais on ne développe pas tous les possibles de cette rencontre) en sachant que le performeur lui-même spécule aussi, utilisant la spéculation au sens d’une création de possibles : manière aussi de résister à la pensée critique… C’est le sens aussi de l’atelier sur la narration spéculative que je proposais ce matin avec Fabrizio Terranova : inspirée des speculative fabulations de Donna Haraway. La narration spéculative vise à expérimenter d’autres manières de faire monde à travers des récits tournés vers des possibles futurs plutôt que de rester enfermés dans les catégories fournies par les mythes d’origine. En ce sens, ce sont des récits performatifs, qui fabriquent du possible à partir de matériaux hétérogènes, un peu comme le théâtre postdramatique peut le faire contre les schèmes structuraux de la tragédie antique. Plutôt que de critiquer et déconstruire, quel type de possibles la pensée peut-elle ouvrir dans toute une série de pratiques ? Voilà une autre manière d’envisager le champ de la performance philosophique.

Mélanie Perrier : En tant que co-directrice du Laboratoire du geste [16] qui existe depuis 2005 avec Barbara Formis, ce qui m’intéresse est le geste comme outil pratique pour penser ce qu’il peut se passer du côté des performances mais aussi pour déplacer la pensée. Cela permet de déplacer les modalités de la pensée, les agents, les postures de ceux qui pensent, sans exigence de productivité et cela change beaucoup de choses. Quelles sont les formes d’expression du geste ? Je voudrais maintenant poser cette question : que serait un training pour philosophes ?

Amalia Boyer : A cela, je répondrais qu’il est plus facile pour beaucoup de gens d’admettre qu’un artiste pense aussi. Mais le contraire est encore plus difficile : comment un philosophe, très bien installé dans cette position-là, peut-il faire quelque chose avec son corps ? Depuis la domination conceptuelle du corps, tout va bien si on lit et écrit la philosophie. Surtout ne pas se mettre debout et faire, créer devant les autres ! N’oublions pas pour autant la tradition des philosophes qui ont pensé le corps et ont incité à expérimenter avec.

Nadia Vadori-Gauthier : J’entends des choses depuis tout à l’heure et quelque chose en moi à la fois abdique et à la fois s’agite. Pour moi, ce qu’est la philo-performance ou le corps, ou même la performance n’est pas tellement la question. La performance on ne sait pas trop ce que c’est, si ce n’est que ça habite des zones liminales. Il s’agirait plutôt de le vivre en tant que processus, de faire vivre une expérience, et d’utiliser la philosophie ou la performance comme moyens d’engager un processus de recherche et de poser des questions. Et même si la notion de geste m’intéresse, je ne me reconnais pas dans une définition simplement qui poserait un mot. J’ai plutôt envie, dans une perspective spinoziste qui serait non pas de se demander ce qu’est un corps mais ce que peut un corps, de voir ce que peuvent la performance ou la philosophie. Que peuvent la performance et la philosophie conjointes si ce n’est de décadrer, d’investir les interstices, peut-être déjà ici (elle va s’assoir sur un banc dans l’assistance). Que peuvent faire la philosophie et la performance ? Juste…e – e – e – e – e – e – (elle bascule en arrière) je – je – je – je – je – glis-s-s-sse – je glisse dans l’in-ter-sti-ce (elle se coule au sol entre les bancs les pieds en l’air), je – me – délite, je – e – e – e j’en… (Elle se rassoit) …reviens à Spinoza. (Elle s’apprête à retourner à la table, mais au lieu de ça, elle se lève, se met debout sur un banc, se tourne vers l’auditoire, entre dans une micro-danse oscillatoire). Je m’associe à toi (elle prend les mains d’un spectateur dans les siennes) je m’associe à toi, je m’associe à toi (elle établit différents contacts corporels avec différentes personnes. Elle se dénude). Je ne sais pas ce que je suis en train de faire, j’ignore si c’est un geste ou une performance (elle marche nue sur les bancs, traverse la salle et va s’assoir sur la dernière rangée). Je n’ai pas de questions.

Paris, Université Paris-Sorbonne, 28 juin 2014.

Cet article sera publié dans le premier numéro de la nouvelle revue électronique The Performance Philosophy Journal (sortie en avril 2015), dans une version traduite par Virginie Girel-Pietka, revue dirigée par Laura Cull, créatrice du réseau international Performance Philosophy.

 

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[1] Colloque international « Images et fonctions dans la philosophie française contemporaine », organisé par Dimitra Panopoulos et Flore Garcin-Marrou, oct-nov 2012, ENS, Paris.
[2] Labo LAPS.
[3] Voir la vidéo de « Jeunes scènes queer françaises » sur le site du Labo LAPS.
[4] Voir la présentation du documentaire sur le site du colloque TPP 2014.
[5] En collaboration avec l’artiste sonore Laurie Bellanca. Kompost.
[6] Martin Puchner, « Scenes of instruction », TPP 2014, 26/06/2014.
[7] Le site www.zonesdattraction.org. « Par philo-performance, nous entendons la mise en scène de la pensée sous toutes ses formes : philosophie parlée et joutée, slam, intervention sociale, danse, recherche-action, festivals et anti-festivals… Notre ambition est d’explorer cette zone où le concept est en action, se fait performatif, la manière dont la ‘philo’ peut se faire par la performance, en ouvrant et trouvant ses propres espaces ».
[8] Étude réalisée notamment dans le cadre du Labex Arts H2H « Cognition, danse et performance avec un dispositif numérisé » (CNRS/Université Paris 8 – Université Paris-Ouest).
[9] Le site du Corps collectif.
[10] Flore Garcin-Marrou, « Comment Avital Ronell performe-t-elle sa pensée ? », TPP 2014, 28/06/2014.
[11] Catherine Malabou, « Performance and Power: an interrogation », TPP 2014, 27/06/2014.
[12] Michel Bernard, Le corps, Paris, Les éditions du Seuil, 1995.
[13] The Community of Those Who Have Nothing in Common. Bloomington, Indianapolis: Indiana University Press, 1994.
[14] Lecture de la philo-performance Antigonick de Sophocle, traduction d’Anne Carson, TPP 2014, 26/06/2014.
[15] « Gestes spéculatifs », colloque dirigé par Isabelle Stengers et Didier Debaise, Centre culturel International de Cerisy, 28/06-05/07/2013.
[16] Le site du Laboratoire du geste.


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