Gérald Garutti est l’invité du séminaire du LAPS le mardi 3 juin de 10h à 13h. Il interrogera la relation (historique, politique, philosophique) entre le théâtre et le monde.
Gérald Garutti est metteur en scène, auteur, dramaturge et traducteur. Après des études de lettres (ENS et agrégation), de sciences sociales (Sciences Po), de philosophie politique (University of Cambridge) et de théâtre (Cours Simon), il crée la compagnie C(h)aracteres [1] où il met en scène des spectacles en langue anglaise (Roberto Zucco, Richard III, La Chute de la Maison Usher et Les Liaisons Dangereuses) et en français. En France, il a récemment écrit et mis en scène Haïm – à la lumière d’un violon (Salle Gaveau). Il a adapté et dirigé Mal mais vite : Claudel-Barrault (Odéon-Théâtre de l’Europe), Les Chasseurs d’absolu : Claudel-Mallarmé-Rimbaud (Rencontres littéraires de Brangues) et Correspondance à trois : Rilke-Pasternak-Tsvétaïeva (Printemps des poètes). Il prépare actuellement les mises en scène de Lorenzaccio et du Cantique des Cantiques.
Membre du comité anglais de la Maison Antoine Vitez, il a traduit Les Rives d’Utopie de Tom Stoppard (Maison Antoine Vitez) et Le Pouvoir de dire oui de David Hare (France Culture).
Conseiller littéraire du Théâtre National Populaire, de 2006 à 2011, il a été le dramaturge de Christian Schiaretti notamment pour Coriolan, Par-dessus bord et Philoctète.
Après avoir enseigné aux universités de Cambridge, Chicago et Paris X, il dirige le département Arts et Humanités à l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT), ainsi que le département Théâtre à Sciences Po Paris. Il a notamment publié Le Procès : Kafka et Orson Welles.
Gérald Garutti établit un rapport primordial entre le théâtre et « le monde » en nourrissant son approche du théâtre d’une solide pensée de l’Histoire et de la philosophie politique. Voici deux exemples non exhaustifs mais particulièrement significatifs de cette corrélation entre théâtre et politique dans sa pratique de metteur en scène, d’auteur, de dramaturge, et :
CORIOLAN de Shakespeare
Dramaturge de Coriolan pour le metteur en scène Christian Schiaretti, Garutti situe son questionnement sur le terrain de la philosophie politique. A partir d’une analyse de la Rome républicaine (-448) où l’action de Coriolan se déroule, il montre comment la question du meilleur régime politique s’y trouve dramatisée.
Rome, au bord de la guerre civile, traverse en effet un moment où toutes les options politiques se présentent à elle. Garutti expose les « trois devenirs politiques potentiels » : démocratique, aristocratique et monarchique, et leurs possibles dégénérescences respectives en démagogie, oligarchie et tyrannie. Il montre comment Shakespeare traduit en personnages, en scènes, en drames et en actions cette tension entre les différentes forces politiques en présence.
Une des nombreuses observations qui peut nourrir une pensée politique contemporaine réside dans l’idée d’une nécessaire canalisation des frustrations propres au projet démocratique.
« [T]oute démocratie est, par nature, inachevée et inachevable, imparfaite et frustrante. Dès lors, l’enjeu est de savoir comment gérer, maîtriser, canaliser, détourner, sublimer cette irréductible et universelle frustration, afin que, même si nul dans la Cité n’est jamais pleinement satisfait, personne du moins n’en vienne au point d’exaspération qui le fera sortir du cadre démocratique pour se jeter dans la violence révolutionnaire. »
Cette tension politique entre frustration et violence traverse la pièce de Shakespeare.
HAÏM
Dans un tout autre registre, Gérald Garutti a écrit et mis en scène Haïm – à la lumière d’un violon. Ce spectacle raconte l’histoire réelle d’un survivant du camp d’Auschwitz. La musique a joué un rôle essentiel dans la vie d’Haïm Lipsky, dans sa résistance aux persécutions des nazis et dans sa survie au camp. La comédienne Mélanie Doutey prête sa voix puissante et ferme pour faire entendre « des voix qui ont traversé le temps, le siècle et parfois la Shoah ». Quatre musiciens accompagnent chaque étape du récit. Ce spectacle interroge l’Histoire par la mise en récit, en musique et en voix d’une destinée hors du commun.
Coriolan, William Shakespeare, Festival d’automne 2006. Texte français, Jean-Michel Déprats. Mise en scène, Christian Schiaretti. Conseiller dramaturgique, Gérald Garutti. Avec Stéphane Bernard, Roland Bertin, Laurence Besson, Pascal Blivet, Olivier Borle, Mohamed Brikat, Jeanne Brouaye, Armand Chagot, Jérémie Chaplain, Philippe Dusigne, Gilles Fisseau, Julien Gauthier, Jacques Giraud, Nicolas Gonzales, Damien Gouy, Sylvain Guichard, Benjamin Kerautret, Claude Koener, Aymeric Lecerf, David Mambouch, Clément Morinière, Daniel Pouthier, Loïc Puissant, Jérôme Quintard, Dimitri Rataud, Alain Rimoux, Juliette Rizoud, Julien Tiphaine, Jacques Vadot, Clémentine Verdier, Hélène Vincent, Wladimir Yordanoff.
Haïm – à la lumière d’un violon, 2013-2014.Un spectacle théâtral et musical écrit et mis en scène par Gérald Garutti avec Mélanie Doutey et les musiciens Naaman Sluchin, Dana Ciocarlie, Alexis Kune, Samuel Maquin.
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[1] Site de la compagnie C(h)aracteres
Site de Gérald Garutti
