Présentation des travaux de Nicolas Doutey

Il est l’invité du LAPS, le 19 février prochain.

Nicolas Doutey est chercheur et écrivain. Normalien et agrégé de lettres, il a mené un travail de thèse sur la question de la scène chez Beckett, posant notamment la question de la manière dont l’œuvre de Beckett invite à remettre en cause le modèle de l’incarnation à travers lequel la scène est le plus souvent pensée, modèle qui fait notamment obstacle à la compréhension de la détermination textuelle de la scène. Collaborateur à la direction de la collection « Expériences philosophiques » aux Solitaires Intempestifs, membre fondateur et animateur de la revue [avant-poste], il a également assisté Alain Françon sur ses mises en scène de pièces de Beckett (Fin de partie, La Dernière Bande), deux de ses pièces ont été présentées à Théâtre Ouvert et seront prochainement publiées aux Éditions Théâtre Ouvert.

Publications 

  • « “[L]a vie, osons-nous presque dire, dans l’abstrait pur”. Pour une description philosophique de la scène beckettienne », revue Travaux en cours, n° 8, Paris, Université Paris 7 (École Doctorale Langue, Littérature, Image), 2012 (p. 83-88).
  • Notes de Beckett sur Geulincx (direction de l’ouvrage), Besançon, Éditions Les Solitaires Intempestifs, 2012.
  • Entrée « Scène », Dictionnaire Beckett, dirigé par Marie-Claude Hubert, Paris, Éditions Honoré Champion, 2011 (p. 962-966).
  • Entrées « Apophtegme », « Point(s) de vue », « Qui parle ? », « Vaille que vaille », « Visite inopportune », Atlas Renaude, ouvrage sur Noëlle Renaude dirigé par Michel Corvin, Paris, Éditions Théâtrales, 2010 (p. 14-16, p. 116-123, p. 154, p. 160-161).
  • Déconstruction et Pragmatisme (traduction, avec Julien Abriel et Yaël Kreplak, textes de Jacques Derrida, Chantal Mouffe, Richard Rorty), Besançon, Éditions Les Solitaires Intempestifs, 2011.
  • « “Une abstraction qui marche” : hypothèses sur le rapport entre scène et idée », volume collectif Philosophie de la scène, Besançon, Éditions Les Solitaires Intempestifs, 2010 (p. 50-69).
  • « “Idiot comme un gros meuble déplacé” – l’humour dans Le Ventriloque de Larry Tremblay », Le Corps déjoué. Figures du théâtre de Larry Tremblay, dirigé par Gilbert David, Carnières/Morlanwelz (Belgique), Lansman Éditeur, 2009 (p. 25-32).
  • « Théâtre québécois contemporain : écrire entre texte et scène », revue Rappels, n° 2 « 2006-2007 », dirigée par Gilbert David, Montréal, Université de Montréal, 2008 (p. 330-337)
  • « “Il faut jouer, vous êtes embarqué.” Pour une approche non-représentationnelle du jeu » (en collaboration avec Thomas Dommange), Accedit (site avec comité de lecture), 2008, http://www.accedit.com/articles_fiche_gen.php?id=175.
  • « Peut-on sortir la scène de la théologie ? » (en collaboration avec Thomas Dommange), revue Passage d’encres, n° 29 « Scènes », dirigé par Marion et Yves Boudier, Paris, 2007 (p. 27-31)
  • « Le flottement – Jon Fosse », revue [avant-poste], n° 5, Paris, 2006 (p. 101-112). Texte mis en ligne en 2008 sur le site du laboratoire Agôn.
  • « Le regard et le présent. Dramaturgies de la scène (sur Jeux de rêves et autres détours de Jean-Pierre Sarrazac) », revue Critique, n° 699-700, « Le théâtre sans l’illusion », dirigé par Christian Biet et Pierre Frantz, Paris, Éditions de Minuit, août-septembre 2005 (p. 627-637).

Recension de l’article « ‘Une abstraction qui marche’. Deux hypothèses de conceptions de la scène », dans Philosophie de la scène, Besançon, Les Solitaires intempestifs, coll. Expériences philosophiques, p. 51-69.

Nicolas Doutey se propose d’analyser le concept de « scène » dans sa fonction articulatoire entre le spirituel et le matériel ainsi que le personnage de théâtre, « abstraction qui marche » (Jarry) propre à incarner le symbolique. Les références sont multiples : des écrits de Jean-Marie Pradier sur l’ethnoscénologie vue comme étude des « pratiques et comportements humains spectaculaires organisés », de Peter Sloterdijk sur la « corporéité de la pensée » dans Le Penseur sur scène ou de Richard Rorty dans L’Homme spéculaire

L’auteur démontre que la connaissance a longtemps reposé sur le visuel, la contemplation, jusqu’à ce que Descartes considère que les idées surgissent de l’intérieur de l’esprit. Comment peut-on alors connaître le monde ? Comment s’opère le passage entre l’extériorité du monde et l’intériorité de l’esprit ? L’auteur établit un rapprochement entre la théorie de la connaissance et la scène. La scène de théâtre peut être « un lieu de dépassement de la dualité corps/esprit » car elle permet de voit à la fois l’acteur en tant que personne physique mais aussi le personnage, en tant que réalité immatérielle. « Dans la théorie de la connaissance, la représentation est représentation mentale d’un objet réel ; au théâtre, à l’inverse, la représentation est représentation réelle d’un univers mental » (58). Ainsi, ce qui apparaît sur scène est à la fois une représentation visible, mais dont la visibilité s’assortit d’un invisible puisqu’elle suscite une visibilité mentale. L’œil physique du spectateur s’assortit d’un œil spirituel, d’un regard métaphysique propre à saisir l’invisible. Ainsi, Nicolas Doutey formule sa première hypothèse : « le dispositif de la connaissance moderne est un théâtre ».

La deuxième hypothèse tend à mettre au jour un paradoxe : pourquoi la scène est-elle généralement déduite de ce qu’elle n’est pas, à savoir de la salle ? Ne peut-on pas la penser depuis elle-même ? Penser la scène non plus à partir des images que l’on contemple depuis la salle, mais à partir des acteurs qui y jouent ? Dans ce contexte, la critique pragmatiste aide à penser le dépassement du paradigme visuel. John Dewey, dans La Quête de la certitude, émet la possibilité que la connaissance ne soit pas strictement spectatrice mais  aussi actrice, considérant que les idées sont liées à des actions et des pratiques. La conception de la scène comme « espace représentationnel articulant l’esprit connaissant à l’objet réel à connaître » (63) disparaît. Une autre conception de la pensée émerge en même temps qu’une autre pensée de la scène. Les idées ne sont plus des images mais des aspects de notre comportement, créant des interactions avec le monde. De cette façon, la scène devient un « réseau pratique d’émergence de la signification » (63) sur laquelle les idées sont produites. La scène est donc comprise dans son rapport à l’action, ce qui n’empêche pas que l’idée est déterminée par un espace, qui devient plan d’émergence, « plan pratique de constitution des idées » et de leur « venue » (67). Il s’agit bien, dans cet article, d’évoquer un cadre théorique non-représentationnel qui sied aux pratiques théâtrales contemporaines davantage axées sur la question de l’action plutôt que de l’illusion spectatrice.

Ces hypothèses sont plus largement étudiées dans la thèse de Nicolas Doutey, « Une idée beckettienne de scène. Approche philosophique des textes dramatiques de Samuel Beckett », soutenue le samedi 20 octobre 2012.

Séminaire Nicolas Doutey

 

Titre (provisoire) de la séance du 19 février :

Réflexions pour un modèle théorique de scène sans incarnation (l’idée de scène à la lumière du texte)

Bibliographie spécifique à la séance :

  • Dort, Bernard, Le Spectateur en dialogue, Paris, P.O.L, 1995.
  • Goldman, Michael, The Actor’s Freedom. Toward a Theory of Drama, New York, The Viking Press, 1975.
  • Kirkkopelto, Esa, Le Théâtre de l’expérience. Contributions à la théorie de la scène, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, coll. « Theatrum Mundi », 2008.
  • Rorty, Richard, L’Homme spéculaire [1979], Paris, Le Seuil, coll. « L’Ordre philosophique », 1990 (trad. Thierry Marchaisse).
  • Wittgenstein, Ludwig, Recherches philosophiques [1949], Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie » [2004], 2005 (trad. Françoise Dastur, Maurice Élie, Jean-Luc Gautero, Dominique Janicaud, Élisabeth Rigal).

A venir sur le site du LAPS, un entretien de Nicolas Doutey par Ismaël Jude, à propos des pièces de théâtre de l’auteur, Je pars deux fois et Jour. Ces pièces ont été enregistrées sur France culture le 20 juin 2012, à partir d’une lecture publique à Théâtre ouvert, avec Laëtitia Spigarelli, Stanislas Stanic et Rodolphe Congé.


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