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Compte-rendu de la séance sur Maria Zambrano

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Le 20 février dernier, Camille Lacau Saint-Guily venait nous présenter son livre María Zambrano, La tumba de Antígona y otros textos sobre el personnage trágico (PUF CNED 2013). Lire la présentation des travaux de Camille Lacau Saint-Guily.

Voilà un résumé synthétique des idées qu’elle nous a livrées lors de la séance du LAPS :

Maria Zambrano fut une étudiante du philosophe Ortega y Gasset, connu pour avoir mis en place le concept de « raison vitale », propre à succéder à la raison pure : raison alternative dépassant les excès du rationalisme. Zambrano ne se satisfait pas de ce concept et ne trouve aucun élan vital dans le concept orteguien de raison vitale. Progressivement, elle essaie de composer quelque chose de neuf : une « raison poétique » qu’elle développe de manière intuitive. L’écriture de La Tumba de Antigona (1967) l’a tenue au corps pendant 20 ans. Elle s’attache à cette figure d’Antigone car elle doit s’exiler d’Espagne à cause de la dictature franquiste et sublime ce sentiment d’être incomprise du monde, de la dictature qui la force à contrarier son existence.

Quel est le lien entre théâtre et philosophie qui se déploie dans la pièce ? En développant la raison vitale, elle montre de quelle manière, dans l’écriture théâtrale, elle cherche à dire la vie. C’est dans le théâtre qu’elle accouche de ce concept de raison poétique. Dans ce texte hétérogène, constitué d’un premier prologue puis de douze fragments, Zambrano revient à un temps prélogique, pré-socratique où philosophie, théâtre et poésie batifolent sans en rougir. Le sens de cette coexistence hétérogène témoigne du désir zambranien d’orchestration polyphonique.

Elle se montre accouchant non pas discursivement mais physiquement de la raison poétique. La raison poétique est vue comme ce qui brise l’espace du prologue, espace discursif et ce qui accède à l’espace théâtral vivant. Dans cet espace, la raison poétique existe, en s’encharnant dans le corps d’une femme, Antigone. Cette raison poétique devient expérience vitale. Dès le premier tableau, on la voit s’incarner, elle respire : cette raison explose, se met à à prendre souffle, à crier, pleurer, chanter, s’épuiser à travers Antigone, se démarquant de la raison orteguienne qui n’est pas humaine, qui n’est jamais montrée existante. La Tumba… est un texte où s’incarne le concept.

En donnant la parole à une femme, Antigone, qui meurt dans la pièce de Sophocle, Zambrano utilise l’espace existentiel pour s’opposer au résignationnisme sophocléen qui écrit une tragédie dans laquelle il fait mourir celle qui est appelée à mourir. Le théâtre de Maria Zambrano, dans son ouverture vers la vie, se dégage du mortifère, matérialisant les philosophèmes en les encharnant.

Les douze fragments lui permettent aussi de marquer sa position anti-intellectualiste, anti-abstractionniste, marquant sa volonté de débarrasser la métaphysique de son préfice méta- et de lui faire gagner les rives de la physique. Elle montre que la raison poétique s’enracine dans la terre et passe comme un souffle dans une poitrine embrasée. Le théâtre permet au Logos de ne se restreindre à l’abstraction, mais de s’incarner dans une parole, dans une musique. Zambrano entend retourner au temps pré-logique, d’avant la séparation des arts.

La Tumba de Antigona est un manifeste de la philosophie vivante et encharnée, à tel point qu’elle fait vibrer des accents expressionnistes parfois flamenco. Les évocations de la beauté relatives à la laideur, aux entrailles, au flétri rappelle le duende, dont parle Lorca dans son essai Juego y teoría del duende de 1933. Tous ces termes désignent une incarnation qui n’est pas triomphale, mais humble, imparfaite. Cette Antigone de Zambrano n’est ni jeune, ni une déesse : elle a la voix d’une vieille chanteuse de flamenco qui chante sans souffle, sans voix, sans nuance, mais avec duende. Zambrano est la raison poétique précisément lorsqu’elle souffle, lorsqu’elle hurle contre Franco. Elle incarne alors la raison poétique.

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